Le HARA
HARA,
Centre vital de l’homme
Karlfried Graf Dürckim, Le Courrier du Livre, 1967
MOTS CLES : Maturité – Complet – Exercice – Don et Devoir – Lâcher l’Emprise du Moi – Haragei- Centre
-Forme – Etre essentiel – Transcendance- Brin d’Herbe qui vibre
HARA dans la vie au JAPON : « Le corps est la forme extérieure de l’âme, et l’âme, l’esprit du corps. »
Ludwig (Klager),
- C’est pour cette raison que la structure intérieure se manifeste inévitablement à travers son corps et son attitude. Il n’y a pas d’ordre spirituel ni de tension psychique qui ne se reflète dans son corps .La réalisation d’une foi vivante repose sur trois piliers :
- L’expérience vécue, la reconnaissance de cette dernière, l’exercice existant en chacun de nous, une aptitude originelle à croire, grâce à son rattachement essentiel à l’Être. C’est sur ce lien originel avec un fond divin de l’Être, que repose toute religion.
- Un Bouddha n’est pas un dieu transcendant, mais un homme que la prise de conscience de son Être originel a transformé, libéré.
- Il reflète à travers son corps, ce que chaque homme a dès sa naissance, le devoir de trouver : l’union avec le fond de son Être.
- Le problème de la maturation est un problème humain. Parvenir à la maturité signifie l’intégration progressive de l’homme à son Être essentiel, par lequel il participe à l’Être. La Névrose, c’est la pathologie de la maturation, l’homme est devenu étranger à son propre Être.
- Les hommes qui progressent sur la Voie ne doivent pas être considérés de façon statique mais toujours vus en perspective, c’est à dire dans le processus d’intégration de leur Être essentiel.
L’objectif serait de découvrir son enracinement dans l’Être et de le renforcer par un processus d’individuation consciente. Le HARA est le symbole de la maturité intérieure. Maîtriser son HARA, c’est garder son calme, savoir attendre, ne pas se rebeller contre son destin, accepter le monde tel qu’il est. Se révolter, c’est souffrir, la souffrance indique qu’on s’éloigne de la Voie.
- Le HARA est un don, l’homme a le devoir de l’accomplir pour devenir complet, ce n’est que par exercice que l’on peut gagner le Hara et par là même, trouver la porte qui conduit à la Voie, que l’on doit suivre pour devenir un homme complet.
- Pour l’Occidental, l’exercice représente un moyen de transformation permettant de parvenir à la maturité. C’est à travers l’exercice que se forme le maître.
- La maîtrise de l’exercice ne se traduit pas en savoir-faire, mais en savoir -être, une maîtrise intérieure, incarnation de l’Être dans l’existence. Le but de l’exercice est la transformation de l’Homme.
- « Comment fait-on pour devenir un maître ? » « Laisse sortir le maître qui est en vous ! » c’est à dire, lâcher l’emprise du Moi, qui constitue un obstacle sur la Voie, soit ambition, désir de briller, ou crainte d’échouer.
- La Voie du Centre est pour le japonnais, l’expression de l’Être intégré, de l’unité parfaite, preuve d’envergure, de profondeur.
« Il faut penser avec le ventre », c’est à dire, ne pas penser uniquement avec la tête, la raison intellectuelle, mais de façon plus profonde, avec la totalité de l’être.
- Pour cela, il faut avoir un ventre.
- HARAGEI : l’Art du ventre : toute activité, tout Art accompli en partant du ventre. C’est le plus haut niveau de conscience que l’homme peut atteindre, grâce au HARA.
- Tous les Arts au service du « Chemin » tendent par principe au « Haragei ». Même dans la vie quotidienne, une vraie conversation se fait de ventre à ventre.
- L’homme devient un récepteur ultra sensible, en même temps qu’un émetteur puissant. Le Haragei n’a rien de surnaturel, sauf pour ceux qui croient que la nature s’arrête à l’intellect et aux 4 sens.
- HARA et signification humaine universelle :
- En Occident, le cœur et la tête sont les sièges respectifs de l’âme individuelle et de l’esprit objectif, ils jouent un rôle plus important qu’en Orient, pour qui le Moi et l’individualité n’ont pas la même valeur. Toute élévation spirituelle véritable implique d’abord une descente au « centre de la terre », en conscience.
- L’Occidental n’aime pas les formes trop pleines, un corps harmonieux a son centre de gravité placé très haut, le ventre doit être effacé.
- Le refus du ventre, motivé par la considération qu’un gros ventre signale un enracinement dans la matière, au détriment de l’esprit, est un synonyme de laisser aller. Le milieu menacé : L’homme à travers son corps exprime trois choses : son rapport avec le ciel et la Terre le monde environnant sa propre personne. La forme juste du corps, c’est l’attitude juste, la respiration juste et la tension juste.
- Le Hara est l’expression du corps, de l’âme, et de l’homme dans sa totalité, c’est à dire, conforme à son Être et adapté au monde.
- Le Hara exprime, témoigne de la forme de vie de l’homme, dans sa totalité de son Être et du rapport juste avec le ciel, la terre, le monde et lui-même. Dans la forme juste de la forme humaine il y a un axe, solide et mobile, autour duquel oscille, harmonieusement, l’ensemble « bipolaire ».
- Parce qu’il y a centre, il y a équilibre, si l’un des 2 pôles domine, le centre fait défaut, il y a malformation du Moi.
- Le « je-suis-moi » définit la conscience d’une identité qui implique 3 caractéristiques : Ferme maintien de la conscience du Moi au cours de tous les changements de la vie. La particularité du Moi se distingue de tout autre chose. L’opposition du Moi à ce qui n’est pas lui.
- L’homme qui trouve le rapport juste entre le Moi et le monde est un sujet conscient de lui-même et du monde, il n’a rien de rigide, il est une « forme » vivante, capable de se transformer et de s’adapter, tout en restant conforme à lui-même.
- A travers chaque forme, il exprime la transparence, cette transparence exprimée dans une forme ne s’acquière pas sans Hara.
- Le centre sur lequel se construit et repose ce rapport est le Hara.
- Il y a 2 formes défectueuses du Moi : le Moi dont l’habitacle est sclérosé : l’homme est prisonnier de son Moi. Il peur de rejeter sa foi en Dieu, sans se rendre compte que la vraie foi ne commence que là où le Moi renonce à tout expliquer, à tout comprendre.
- Il ne peut pas non plus savoir que la vie a un SENS qui est au-delà du sens et du non-sens apparents.
- Le Moi est dépourvu d’habitacle : il y a un excès d’ouverture, tout peut y pénétrer, rien n’y reste, pas de racine l’homme reste constamment submergé par les problèmes de la vie, qui cachent les objectifs de l’Être.
- La progression systématique sur la voie intérieure dépend de trois facteurs : l’expérience vécue, la prise de conscience, l’exercice. Les conditions de base : répondre à un besoin par rapport à une insatisfaction de la forme de sa vie. Un État d’Esprit : ne pas rechercher, dans l’exercice, la réussite matérielle, le pouvoir accru, mais seulement un gain intérieur, de transformation, de transparence pour percevoir l’Être en soi.
- Une volonté ferme, de la persévérance. Une faculté d’engagement total. La capacité de garder le silence. La quête du divin. Nécessité de ressentir son corps de l’intérieur, comme si on développait un « organe » de la perception interne : écouter sa respiration, prolonger l’expiration, s’installer dans son bassin, relâcher les épaules, lâcher prise.
- L’origine des formes défectueuses du Moi prend source dans la petite enfance, l’incapacité à maîtriser les misères de la vie : caractère dangereux et éphémère de la vie. Absurdité et injustice de la vie. Cruauté, source de solitude et tristesse.
L’enracinement dans le sol que les réalités de la vie ne peuvent ébranler, voilà le sens profond du Hara.
- HARA, pratique de la VOIE : Le ventre est le Centre de la Terre, une sphère « impersonnelle », c’est à dire pré existant au développement de la personne. La tête est le Centre du Ciel, , spirituel, les sentiments exprimés sont ceux que l’homme ne veut pas lâcher, les valeurs auxquelles il s’accroche, c’est à dire la douleur de la séparation, et le bonheur de l’union.
- Le cœur est le Centre de l’homme. COEUR -TETE- VENTRE : 3 formes, 3 niveaux de conscience, Ces frontières sont construites par l’esprit, vues à travers le prisme du Moi « existentiel ».
- Quand le Moi s’efface et que l’Esprit rationnel cesse d’être considéré comme le seul moyen d’accéder à la connaissance de la Réalité, la conscience acquière de nouvelles dimensions il y a interdépendance des 3 formes, s’ouvrant sur une autre dimension, unité indivise de l’Être, la source de toute vie, la mine de toute chose, Yin.
- Toute reconnaissance commence par un mouvement par le bas, apprendre à se « lâcher », à s’ouvrir dans sa base, dans son bassin, et laisser venir ce qui vient d’en bas, des profondeurs.
- Ancré dans son Hara, on peut se libérer de la dominance du Moi, dont les objectifs sont : possession sécurité, valeurs aux yeux d’autrui, et puissance.
- Donc, déplacer son centre de gravité du haut vers le bas. Libérer le bas ventre de toute tension et y placer un peu de force : enfoncer lentement et progressivement son poing au-dessus du nombril, les épaules relâchées, sans bouger le reste du corps, faire sortir le poing d’un coup brusque par la force musculaire du bas-ventre.
- Là sera le Hara, non comme un point mais comme un espace intérieur, rempli de force. Il ne s’agit pas d’une attitude physique, mais d’une transformation profonde de la personne. Cela prend FORME (Gestalt), une manière d’Être conforme à son Être essentiel.
- La verticalité obtenue est douée d’élasticité et de dynamisme, elle est le fruit du Hara, non produit pas la volonté mais conséquence posturale naturelle. Le HARA délivre l’homme de l’image de sa « personna », c’est à dire de toutes les attitudes intérieures fausses qu’il a adoptées en fonction de son rôle dans la vie.
- 1er don du Hara : meilleures stabilité, plus grande force de réalisation et d’affirmation.
- 2ème don du Hara : la « forme »vraie, propre à l’homme.
- 3ème don du Hara : plus grande réceptivité à la transparence, s’oppose au Moi égocentrique, pour accéder à la transcendance, contact avec le « tout autre ».
- Le Hara est cette impulsion venue du centre, surgissant de façon organique mais se manifestant seulement lorsque la « volonté » s’efface. L’ancrage dans le Hara permet d’être présent dans le « hic et nunc », dans la concentration, le recueillement.
- L’assise juste : se tenir droit, ancré dans le Hara, les genoux sont plus bas que l’os iliaque, pour que la force vitale pénètre assez dans le bassin.
- Oreille, os iliaque épaules sont dans le prolongement les uns des autres, pour former une verticale.
- Relâcher les reins, élargir son bassin en lui donnant du poids, libérer le bas ventre, le haut du corps est allégé, avec l’impression d’être lourd, plus large, plus enraciné au niveau du tronc et solidement ancré dans tout le bassin.
- Les épaules sont détendues, les bras sont lourds, conserver une légère tension dans le bas-ventre, pour donner une certaine force à la région du tronc, faisant naître une chaleur croissante dans l’ensemble du corps.
Non pas comme un bâton planté dans le sol,
mais comme un brin d’herbe qui vibre
autour d’un axe secret
sans le moindre souffle de vent.
- Osciller de part et d’autre de la verticale, pour s’aligner sur le centre « juste », ce mouvement cessera quand le point parfaitement juste sera atteint. Trouver cette nouvelle forme qui est conforme à l’ Être. Attention, ne pas confondre état de détente et état de dissolution.
- Toute contraction au niveau du corps correspond à un barrage sur la Voie intérieure, c’est à dire une sclérose due à la volonté d’affirmation de soi et de sécurisation du Moi Existentiel, l’emprise du Moi . Et donc, tout exercice qui tend vers le juste rapport entre tension et détente pourra constituer une pratique au service de la Voie intérieure, si le sujet cherche une libération de son Être essentiel.
- L’entéléchie : Emprunté au bas latin entelechia (« essence de l’âme (au sens aristotélicien de principe vital) »), lui-même issu du grec ancien ἐντελέχεια, entelékheia., « énergie agissante et efficace (par opposition à la matière inerte) , fait de se tenir dans ses limites » ou « action de conserver ce qu’on possède »
- La tension fondamentale est liée à l’Entéléchie l’ultime phase d’un processus qui mène l’homme vers la maturité et l’accomplissement de sa véritable destination c’est à dire transformation.
TEXTES JAPONNAIS :
OKADA TORAJIRO
Le fait de respirer par la bouche est un signe de « baisse »,
quand le poisson est en train de crever, il sort sa grosse gueule de l’eau et cherche à happer de l’air.
Quand la verticale du corps est solidement fixée, la verticale de l’esprit l’est également.
C’est là que prennent leur essor, le calme exempt de passion et la force intrépide.
Lorsque la force provenant du Hara disparaît,
alors apparaissent les vices tels que la jalousie, l’envie, la colère, l’avidité et la méfiance.
SATO TSUJI
Tout ce qui est visualisé mentalement doit être vécu avec le corps.
La partie la plus mobile du tronc est représentée par les épaules : c’est à partir de là qu’il est le plus facile de déformer l’ensemble, parce que dans l’exercice de l’attitude juste,
les épaules doivent être considérées comme l’un des endroits les plus importants du corps.
La tête représente le Ciel et
le tronc la Terre,
lâcher les épaules et se reposer dans son cente
c’est comme cela qu’on réalise
le « vrai » vide des Cieux et
la plénitude de la Terre.
Si l’on met la conscience dans les épaules pour les descendre, elles tendent à se crisper plutôt qu’à se détendre.
Le corps tend toujours à se raidir là où la conscience pénètre volontairement.
La seule solution, placer notre conscience dans le tantien (Hara), où elle peut s’insérer sans dommage.
Le point essentiel d’une position juste du corps réside sans l’art de laisser tomber les deux bras.
L’action corporelle de l’assise est en elle-même la manière juste de penser.
KANEKO SHOSEKI, Bouddhiste Zen,
« L’homme véritable fait descendre son esprit dans la partie inférieure de son corps :
les 7 puissances néfastes (états d’âmes) joie,colère, soucis, pensées moroses, tristesse, effroi, peur ;
ne font pas leur apparition,
ainsi que les 4 ennemis externes, le vent, le froid, la chaleur, l’humidité,
n’attaquent pas. »
Shitsuen dit :
« L’homme véritable respire par les talons,
l’homme ordinaire avec sa gorge. »
Le Docteur coréen KYOSHUN dit :
« l’âme se trouve en-dessous de la vessie, le souffle prend une ampleur considérable.
Si elle est située en haut, au-dessous du cœur, le souffle devient rapide et oppressé. »